Dix-septième lettre de Marcelino, écrite de la Condamine, dans les Basses Alpes, où il travaille à la 11ème CTE.
La Condamine, 12 juin 1939
Je vous écris pour vous dire ce qui suit. Premièrement : dès que vous recevez cette lettre, répondez-moi en me donnant les pistes que vous avez concernant le possible rapatriement des réfugiés espagnols.
Ici ce ne sont que des rumeurs qui circulent, rapides comme la poudre. Vous qui avez plus de facilité pour vous informer, parlez-moi de cette affaire. Au cas où on ne vous aurait rien dit sur le sujet, donnez-moi votre opinion.
Deuxièmement : expliquez-moi en détail ce qu’est votre terrain pour, si cela nous intéresse, demander que l’on nous établisse dans ce département. De cette manière Sebastian continuera à l’atelier, et moi je travaillerai dans les champs, dès que j’aurai obtenu ma liberté par l’intermédiaire des amis que vous avez. Valero pourra aussi bientôt travailler, ce serait la meilleure solution.
Quel que soit le résultat, mon idée reste toujours la même : j’ai l’intention d’aller au Mexique, bien que je me méfie d’un tel voyage. Je crains que ma demande ne puisse englober ce que j’exige, c’est-à-dire pouvoir sortir tous ensembles de France pour aller en Amérique. Si on ne me donne pas l’assurance que nous serons tous réunis avant de monter dans le bateau, je refuserai toutes propositions parce que je ne veux pas, ni cela ne m’intéresse non plus et je ne pourrai pas partir seul. Voici le pourquoi de ma question.
Juan pense que la solution est d’aller chez sa famille à Givors, près de Lyon. Si nous restons en France, nous ne pourrons aller chez personne car nous sommes nombreux. Je te dis cela pour te prévenir que si Juan te le propose, tu lui répondes par la négative. Comme tu le sais, « le coq ne chante bien que dans son poulailler »
Je te joins la photo que je t’avais promise. Comme tu peux le constater, nous ne sommes pas bien sortis, car le photographe nous a placé au soleil, ce qui nous fait paraître blancs comme neige.
Marcelino Sanz Mateo