Cinquième lettre de Marcelino envoyée du camp de concentration d’Argelès sur mer.
Argelès-sur-Mer, 14 avril 1939
La lettre qu’a reçue Juan m’informe sur votre état de santé. Etant donné que je suis bien, je suis content que notre satisfaction soit commune. Tu te plains que je ne t’écris pas beaucoup. Je ne comprends pas ta colère et ta peine étant donné qu’ils ne sont pas nombreux les jours qui nous séparent de mes dernières lettres. Ma vie ne connait aucun changement. Je continue à être dans le même camp, j’ai la santé et je suis toujours en compagnie de notre fils Juan, duquel je crois on ne me séparera pas. Je suis obligé de te dire que tu dois calmer ton impatience. Cela fait des années que ne sommes plus fiancés ni jeunes mariés. Par conséquent du dois t’habituer à notre séparation. Ne compte pas les jours ni les mois comme on a l’habitude de le dire : « à jours longs, longues souffrances ». Actuellement nous devons prendre notre mal en patience. Je te supplie d’avoir du courage. Su tu pouvais me voir à cet instant tu serais contente : je suis en train de t’écrire au son de la musique, parce qu’aujourd’hui, 14 avril c’est l’anniversaire de notre République. Pour le célébrer nous avons organisé un grand concert, un match de football et un autre de boxe. A ce moment même, un compagnon chante ce proverbe Aragonais :
Maintenant la honte se vend
A deux milles pesetas l’once
Etant donné qu’elle est si chère
Nous en utiliserons très peu
Comme tu peux voir, nous nous amusons et nous manifestons avec sérénité le déracinement. Qui sont nos compagnons de baraquement : Francisco el Fin, les deux frères Sulema, deux frères de la province de Zaragoza, et un catalan. Juan se trouve dans un autre baraquement parce qu’il appartient au corps du « train », mais tous les jours il déjeune avec moi, il ne faut donc pas vous alarmer en imaginant que nous sommes séparés. Presque tous les jours, tous les natifs du village se réunissent. Mes autres compagnons sont : Meseguer, le fils du Valenciano de la Gaitera, le Valenciano plus jeune, frère de Juaquin, le cadet de Jemerra, le fils de Juana la Aleta, le fils de la vieille de la rue haute, le fils du Herrero de Santolia, le musicien, un Albero, celui de Rosa del Castillo, German du Portillo, celui qui travaillait dans le garage, qui est grand, le fils de Mingas del Pipa et le jeune des Castilla. Comme tu peux le voir, ici il y a la moitié d’Alcorisa. Lorsque nous nous réunissons nous passons des moments très agréables, en attendant qu’on nous appelle pour aller travailler et en commentant les rumeurs selon lesquelles on ne tardera pas à nous sortir d’ici pour nous réunir avec nos familles. Alors il ne nous reste plus qu’a attendre que la nouvelle se concrétise. Si cela pouvait-être après-demain le jour qui nous verra réunis ! On dit qu’il vaut mieux tard que jamais. Mais beaucoup parmi ceux qui se trouvent ici ne peuvent plus vivre avec de illusions.
Sébastian, tu me raconteras la prochaine fois comment va ton travail. Essaies si cela est possible, de prendre des cours de mécanique. C’est aussi mon aspiration.
Valero, ne perd pas ton temps seulement à jouer. Tu dois également penser à faire du calcul. Tu sais ce que je pense et ce que je désire.
Juana, écris plus souvent car tu es en retard dans tes lettres.
Anastasio, dis-moi qu’elle est ta plus grande préoccupation à par celle de jouer.
Lauro et Alicia, racontez-moi combien vous jouez.
Merci Maria. Tes lettres sont le miroir de ta vie. Tous ceux du village vous envoient leurs bons souvenirs. N’oubliez pas de saluer les gens de Calenda et ceux de Galera. Dites-moi si le fils d’Antonio s’en est remis. Mon adresse est toujours la même.
Marcelino Sanz Mateo