Lettre de marcelino du 11 juin 1939

Seizième lettre de Marcelino, écrite de la Condamine, dans les Basses Alpes, où il travaille à la 11ème CTE.

La Condamine, 11 juin 1939


La raison de cette lettre est pour vous dire que sur la question du Mexique, nous avons radicalement changé notre point de vue. Nous sommes maintenant heureux d’y aller ; donc cette décision est la réponse que nous donnons à votre question. Maintenant vous le savez : nous sommes déterminés à partir le plus tôt possible. Si vous n’êtes pas en mesure de vous embarquer pour des raisons que nous ne connaissons pas, vous me le communiquez de façon à envisager toutes les orientations que ces dernières peuvent donner.
Aujourd’hui dimanche, nous avons congés. Gracia- c’est-à-dire « el Fin » et moi-même, nous allons faire une exploration au sommet de la montagne. Les autres ne veulent pas nous accompagner car les sommets sont couverts de neige. Jeudi dernier, nous avons pris une douche, changé et lavé les vêtements sales. Il n’y a pas de pénurie d’eau ici et c’est très bien. A Argelès, je ne savais pas comment laver ou réparer, mais depuis que je suis ici, j’ai été « une bonne ménagère ». J’ai des vêtements si propres et si bien raccommodés que je donne envie. Encore plus : je suis devenu un tailleur accompli.
Donc sur ce point, n’ayez pas de souci. En parlant de cela, je me souviens que je t’ai entendu dire : « ce n’est pas celle qui lave beaucoup qui est la plus propre, mais celle qui salit le moins », homme averti en vaut deux.
Dans une lettre, tu me dis qu’une française me trompera pour mieux pêcher. Eh bien, je n’aurai pas ce problème parce que nous ne voyons pas de femme ici. N’importe qui du camp, qui pense à l’amour, peut se dire que de la main à la bouche la soupe est perdue.
Pourquoi penses-tu que ce que nous faisons sont des fortifications ? Ce n’est pas vrai. Ce que nous faisons, est la chaussée d’une route. Je suis employé en tant que gréeur de pierre, en équipe avec Sulema et el Fin, plus un de Val de Torno.
Nous les Aragonais somment des spécialistes que les Français appellent les « maçons ». Juan joue le rôle d’interprète des carpinteros, qui s’appellent en français « charpentiers ».

Marcelino Sanz Mateo