Quarante-neuvième lettre de Marcelino, écrite de la Condamine Chatelard, dans les Basses-Alpes, où il travaille à la 11ème CTE.
La Condamine Chatelard, 13 décembre 1939
Je vous fais part de ma joie en voyant dans votre lettre du 8 que vous avez la santé et du courage pour pouvoir vous débrouiller selon vos possibilités. En plus votre lettre me tranquillise en me disant que votre séjour au « Refugio » prendra fin, nouvelle que, Benigna, tu acceptes avec moins de pessimisme. En cela, ton désir est le même que le mien. Ce changement qui se prépare peut-être favorable au désir que nous avons de nous unir afin de pouvoir vivre à nos risques et périls.
Tu me dis que, pour la première fois, on vous a donné huit francs pour les grands, plus quatre pour les petits. Je sais que c’est très peu mais, si les grands continuent à travailler, pour le moment nous supporterons mieux les jours. Le principal est que tu sois libre afin de chercher avec plus de facilité l’indispensable. Plus nous aurons la liberté et mieux nous pourrons nous débrouiller.
En ce qui concerne la réclamation, je suis content que, comme tu l’as demandé, Madame « Engracia », ait parlé avec le Monsieur qui s’intéresse à nous. J’ai confiance au soin que tu mets pour solutionner cette affaire. Si ladite affaire n’aboutit pas, il faudra en chercher une autre avec acharnement ! Je pense que si la nation continue à mobiliser comme elle le fait, on aura besoin de nous pour les travaux des champs.
N’oublie pas de saluer de ma part Madame « Engracia », et dis-lui que je suis très peiné que son fils parte pour être soldat. Je sais que les mères souffrent beaucoup en se voyant séparées de leurs fils. La faute incombe à la stupidité de la guerre. Mais que pouvons-nous faire ? Rien ! Pour autant qu’on se démène, on ne fait pas toujours ce qu’on veut.
En ce qui concerne les lettres sans timbre, ta dernière est arrivée sans franchise, tout comme celle d’avant. De sorte que tu verras si tu peux économiser le prix des timbres. Néanmoins, je te prie de timbrer les enveloppes contenant des choses importantes.
Cher fils Valero. Tu me réjouis en te sentant si heureux en comptant les jours qui nous séparent les uns des autres, et en me disant que tu te sentiras libre en allant travailler.
Cher fils Anastasio, aussi bien dans ton dessin que dans ton écriture je me rends compte que tu travailles avec plus de soin. Tu sais que ma plus grande satisfaction est de vous voir appliqués à l’étude pour que vous appreniez le plus possible afin d’améliorer votre vie future.
Chère fille Juana je ne t’oublie pas, ni non plus tes frères.
Mes souvenirs pour Madame « Engracia » et « Theresa ».
Marcelino Sanz Mateo