Quarante-cinquième lettre de Marcelino, écrite de la Condamine Chatelard, dans les Basses-Alpes, où il travaille à la 11ème CTE.
La Condamine Chatelard, 17 novembre 1939
Votre lettre du 11 me remplit de joie : vous y manifestez votre allégresse, à tous égards : autant pour la photo que pour l’affaire du « Refugio ». Quoique vous me vantiez, eh bien non ! je ne suis pas bien sur la photo. Si j’y suis si fluet c’est parce q »il ne faisait pas soleil. Néanmoins je suis satisfait de la grande joie qu’elle vous a procurée à tous, sauf aux petits. A propos du « Refugio », vous verrez ce qui vous convient le mieux, puisque moi, malheureusement, je ne peux vous conseiller. Je vous ai déjà écrit que le terrain où nous nous trouvons ne nous intéresse pas, vu qu’il n’est ni agricole ni industriel et, en plus, son climat est froid. Par conséquent, tâchez de faire des recherches de votre côté. Avec ce que nous gagnons il nous serait impossible de vous nourrir ici. Ce n’est pas un refus de notre part, vu que c’est vous qui devez demander qu’on nous sorte d’ici. Le plus rapidement possible afin de nous unir, chose que nous désirons tant.
Je suis content d’apprendre que Sebastian travaille déjà, et qu’on lui a concédé la carte de travail, chose que nous désirons tant, puisque grâce à elle il aura des facilités pour nous faire réclamer par son patron, celui de Maria ou qui que ce soit, le plus tôt possible. Si on vous met dans l’embarras à propos de notre salaire, basez vous sur ce que gagne Sebastian. Tout ce que vous ferez sera bien fait et clair pour moi.
Chère fille Maria. J’écris ces lignes pour te dire que ta lettre m’a fait beaucoup plaisir, et cela d’autant plus en te voyant si décidée pour trouver un travail à ton mari Juan. Je suis orgueilleux (fier) de toi, car, en plus d’être une bonne fille, tu remplis ton devoir d’épouse. Tout comme moi, j’aime dessiner des machines que j’invente, un compagnon de la province de Huesca aime composer des sentences. Je vous en envoie deux.« La vie est une jeune fille, très belle, mais ayant de mauvais sentiments, c’est à nous de savoir l’éduquer et de la rendre la plus aimable possible, puis se laisser charmer par ses sourires… »
« Lorsque quelqu’un te dira : « que je suis bête ! non ! La moitié, tu lui diras. S’il te demande : pourquoi la moitié ? Parce que celui qui reconnait ses défauts leur enlève la moitié de leur importance, et celui qui ne reconnaît pas combien il est bête, double sa bêtise ».
Marcelino Sanz Mateo