Lettre de Marcelino du 18 mars 1939

Seconde lettre de Marcelino envoyée du camp de concentration d’Argelès sur mer.

Argelès sur mer, 18 mars 1939

Mon cher fils Sébastian

Je viens de recevoir ta lettre datée du 15. Je me réjouis de savoir que vous êtes en bonne santé, comme moi-même et Juan d’ailleurs. Nous sommes bien, nous ne souffrons plus de notre séparation. Je vous demande d’avoir la patience que requiert notre situation présente et que vous continuiez à rester forts contre vents et marées. Il me suffit de vous savoir bien logés pour moi que je sois réjoui, car vous êtes la partie faible, celle qui a besoin d’un refuge. Cette bonne nouvelle démontre que nous avons raison de nous armer de patience aujourd’hui et d’avoir confiance en demain.

La lecture de votre lettre me remplit de satisfaction. Je lis que les petits jouent beaucoup et même grossissent, pendant que les plus grand, vous vous ennuyez. Et bien je dois vous faire cette remarque : vu que vous avez du temps libre, pourquoi ne l’employez vous pas à lire, écrire et faire des calculs ? Mettez-vous dans le crâne que les études vous serviront quand vous serez adultes. Il est de mon devoir de vous prévenir et du votre de m’écouter. Je pense que vous le ferez, étant toujours attentif aux conseils de votre père qui jamais ne vous causera du tort.

Dans le présent comme dans le futur je vous demande que vous ayez le plus grand respect pour votre mère comme envers moi-même. Ces paroles vous concernent tous, et toi, Maria, tu dois en plus respecter ton mari. A toi Benigna, je te demande de répéter ce que je dis à nos enfants, qu’ils sont l’unique chose qui nous fait souffrir et éprouver du plaisir. Sur tes épaules pèse la charge de les éduquer jusqu’à ce qu’arrive le jour où nous serons réunis.

N’oubliez pas de me raconter comment évolue votre mode de vie. Tenez-moi au courant de ce qu’il se dit où vous êtes concernant les réfugiés espagnols. Jusqu’à la normalisation de notre situation restez soudés. L’union fait la force. Ne perdez pas confiance. Aidez les autres pour vous libérer de cette mauvaise passe. Je sais que toi et les enfants procédez ainsi, n’oubliez pas que vouloir c’est pouvoir. Saluez de notre part la « Galera » et la « Calandina ».

Votre époux et père qui désire tant vous étreindre.

Marcelino Sanz Mateo

La véritable écriture de Marcelino