Lettre de Marcelino du 1er mai 1939

Septième lettre de Marcelino ; c’est la première écrite de La Condamine dans les Basses-Alpes (Alpes de Haute Provence) où il vient rejoindre la 11ème CTE (Compagnie de Travailleurs Espagnols). Le E d’Espagnols va rapidement se transformer en E d’Etrangers.

La condamine, 1er Mai 1939*

Ce courrier a pour objet de vous dire que nous nous trouvons à La Condamine, village où nous avons été amenés pour travailler. Voici l’explication de notre déplacement à ce nouveau camp : on nous a demandé si nous étions volontaires pour travailler, le travail fini on nous offrirait comme prime la liberté de rejoindre notre famille**. Vous comprendrez que nous avons été nombreux à accepter sans hésiter ce voyage. Pour le moment je ne peux rien vous raconter sur ce que sera notre vie, ni vous annoncer quel sera le jour de nos retrouvailles, ce ne sont plus des rumeurs mais des responsables qui disent que ce sera pour bientôt. Le sort en est jeté. De sorte qu’il faut prendre patience maintenant.
Cet endroit est très froid, comme nous sommes au mois de mai, nous n’en sommes pas effrayés pour autant. Nous pensons que nous allons rester ici trois ou quatre mois.
Comme ils vont être les plus longs de notre séparation, notre patience doit-être plus grande.
Lorsque le jour tant souhaité arrivera nous vous communiquerons les démarches dont nous aurons besoin. Lorsque tu m’écriras n’oublie pas ma nouvelle adresse.
Sebastian, j’attends toujours tes explications au sujet de ton travail et ton emploi du temps. Valero, j’attends aussi que tu me racontes quelque chose sur ce que tu fais et ce que tu étudies. Juana, continues à aider ta mère, à prendre soin de tes frères. Anastasio, dis-moi si tu dessines après avoir joué. Lauro, y Alicia, je suppose que vous devez déjà savoir dire beaucoup de mots en français. Racontez-moi à quoi vous jouez. Bientôt nous nous embrasserons.

Marcelino Sanz Mateo

Lettre de Juan Uceda Fernandez, son gendre et époux de sa fille Maria.

Le 1er mai 1939

En sortant du camp d’Argelès sur mer, on nous a dit que l’on nous amenait du côté de Lyon, mais on nous a trompé. Après de nombreuses heures de voyage, nous sommes arrivés à notre destination. Nous étions dans les Basses Alpes, au pied d’une montagne avec de la neige, à très peu de kilomètres de l’Italie. Nous avons demandé si on pouvait vous faire venir au village qui est à trois kilomètres de notre camp. On nous a répondu que pour le moment non… Dans les villages que nous avons traversés avec le train, nous avons vu beaucoup de familles espagnoles. A chaque arrêt il y avait des femmes et des enfants qui nous saluaient et pleuraient. Beaucoup d’entre-nous pleuraient aussi parce que c’était quelque chose de très émouvant.
Maria renseigne-toi s’il y a un train direct de Mézin jusqu’à Nîmes ou Avignon et laquelle de ces deux villes est plus proche de Mézin.

Carte postale de LA CONDAMINE en 1808