Trente-quatrième lettre de Marcelino, écrite de la Condamine Chatelard, dans les Basses-Alpes, où il travaille à la 11ème CTE.
La Condamine Chatelard. 23 août 1939
Dans votre lettre du 20 vous m’assurez que votre santé est bonne, et vous me faites savoir votre mécontentement à cause du retard à vous écrire. Alors, que cette lettre arrive vite afin que vous soyez satisfaits et voyiez que je ne suis pas tel que vous me jugez.
Bien que tu sois impatiente d’avoir de mes nouvelles, ne te fâche pas au point de ce que tu dis dans la lettre de Juan « que j’ai toujours été un grand dormeur, oubliant d’accomplir les devoirs courants ». Eh bien, je ne suis pas aussi méprisable parce que le 16 je t’ai écrit une longue lettre dans laquelle je te disais des choses importantes et très intéressantes pour nous tous. Si jamais tu ne l’a pas reçue, fais le moi savoir rapidement. Si celle-ci est reçue et arrivée entre tes mains, réponds à son contenu. J’ai besoin de savoir comment nous pouvons donner cours à l’affaire qu’elle expose. Ne perds pas facilement le bon sens. Sur ce que tu me dis, concernant l’évacuation des camps, obligeant ceux qui resteront en France à servir deux ans, nous ne sommes au courant de rien. Je ne crois pas, ni ne pense, que nous allons servir deux ans, ni non plus que nous tarderons autant à nous réunir. A la question sur les fiches, je te réponds qu’elles ne nous sont pas encore arrivées. Pour le moment nous devons tenter de vivre dans ce pays, car les choses vont très lentement. Dans le présent, vous devez étudier comment vous pouvez vous débrouiller où vous êtes car il vaut mieux ce que l’on connaît que ce qui nous est inconnu.
Le sujet de la guerre est très délicat. Nul ne sait comment cela finira. Cela nous oblige à avoir la sérénité sans pour autant réduire notre volonté.
Nous pouvons nous surpasser parce que nous sommes habitués à supporter les événements de la guerre.
Tu me demandes si on nous écrit d’Espagne. Eh bien non, nous ne savons rien, pas même « des Sésé ». Ignacio s’en va le dernier jour de ce mois. Je pense que, grâce à lui, nous finirons par savoir quelque chose des uns et des autres.
Donnes beaucoup de bons souvenirs à ceux « de la Galera », et qu’ils aient beaucoup de chance.
Cher fils Sebastian. Je te dédie ces lignes pour te manifester la joie que j’ai eue en voyant dans ta lettre du 20 que tu aimes bien ton travail dans l’atelier. Ce que je n’arrive pas à comprendre c’est ce que tu me dis sur les prises de bec que tu as avec un des ouvriers. Cela ne me plaît pas car ça ne peut que mal finir pour toi, puisque tu es un étranger. Tu dois savoir qu’il y en a qui, non contents d’aigrir leur vie, cherchent le moyen d’aigrir celle des autres.
Marcelino Sanz Mateo