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Quarante-septième lettre de Marcelino, écrite de la Condamine Chatelard, dans les Basses-Alpes où il travaille à la11ème CTE.

La Condamine Chatelard, 3 décembre 1939

Votre lettre du 25 m’a réjoui en y lisant l’impatience que vous avez de nous voir. Tu me racontes que tu as trouvé une maison à louer. Mais, lorsque tu t’es présentée, les propriétaires (deux femmes) t’ont rejetée parce qu’ils n’ont pas la moindre confiance envers les réfugiés espagnols. C’est naturel, vu qu’ils ne nous connaissent pas, sans compter ceux qui propagent exprès que nous sommes des gitans, c’est-à-dire des gens de bas étage. De sorte ne t’étonne pas que ces femmes t’aient dédaignées. Si les français faisaient l’effort de nous connaître, et nous donnaient la possibilité de pouvoir leur démontrer que nous sommes honnêtes, tout serait différent. Ceux qui se méfient par ignorance sont bêtes à manger du foin. Prends en considération que dans tous les pays il y aune quantité de gens qui naissent méchant et sont baptisés avec du vinaigre. Alors, comme on dit : « A folle demande, point de réponse », parce que si tu le prends mal et tu t’irrite, nous n’arriverons pas à nous réunir. Si tu perds la sérénité tu perdras la santé, ce qui serait un bouleversement pour nous tous en général, et tout spécialement pour nos quatre jeunes enfants, eux qui sont ceux qui ont le plus besoin de tes forces et de ton amour. Tu sais bien que jusqu’à qu’ils n’aient pas moins de quatorze ans ils ne pourront pas gagner leur pain.
En me disant que tu pleures beaucoup tu ne me fais pas de la peine. Ce que tu fais c’est me fâcher en constatant que tu n’as pas le courage de te résigner. Heureusement que ta lettre contient des nouvelles qui me réjouissent, telle celle qui m’apprend que, peut-être, Valero ira travailler avec Sebastian. Il sera mieux qu’à ne rien faire et, au moins, tous les deux pourront se développer en mangeant ce que le corps demande. J’espère avec confiance qu’ils démontreront leur bonne éducation. J’aurais préféré qu’ils aient trouvé du travail dans un atelier mais, que pouvons-nous faire ? On doit accepter les choses telles qu’elles se présentent, en pensant et voyant ce que nous devons faire pour pouvoir, dans le possible, nous débrouiller par nous-mêmes. Aujourd’hui nous sommes des marionnettes armées par les mains de l’absurdité.
Cher fils Valero. Tu me confirmes que tu vas travailler avec Sebastian. Obéis à ton frère ainé et, surtout, respecte ceux qui t’entourent. N’ait pas la tentation de te réjouir avec des choses qui ne t’appartiennent pas, pince-toi lorsque tu te rendras compte que tu es indiscipliné. N’oublie jamais de prendre comme exemple l’honnêteté de tes parents. Fais-en sorte qu’on ne puisse pas te traiter de voleur. Sans être lâche, « fais ce que tu dois, advienne que pourra ». Tel est le comportement de tout honnête homme bien né. Je termine en te recommandant de ne faire des promesses à tort et à travers, car, chose promise chose due.
Chère fille Juana. Je te remercie pour ta lettre, tout en te disant que tu dois prendre des leçons d’écriture.
Cher fils Anastasio, toi aussi tu me réjouis avec ta lettre, et, également, je constate que tu écris peu, vu que ton écriture est toujours mauvaise0
Cheres filles Laura et Alicia. Jouez tant que vous pouvez, car le jeu permet aux enfants d’apprendre beaucoup. Pour vous deux, je garde un tas de baisers.

Marcelino Sanz Mateo

Le 2 décembre 1851 le Prince Louis Napoléon Bonaparte renverse la République. devant ce coup d’état, de nombreux départements se révoltent, en particulier la Vendée, le Var et les Basses-Alpes, la Préfecture de Digne est prise d’assaut par les insurgés. Après la défaite de la bataille des Mées, le département est mis au pas.

De très nombreux habitants sont condamnés à de la prison où à l’exil en Algérie.

Notre commune de Mallefougasse voit 23 de ses habitants sanctionnés.

documentation: Archives Départementales des Alpes de Haute-Provence, Conseils Municipaux de Mallefougasse, et l’excellent livre 1851; « Les Basses-Alpes à l’avant garde de la République » publié par les AD 04.

Liste des 23 habitants jugés
Poème de Jean François Ailhaud instituteur à Mallefougasse (Merci à JP Déorsola)

Mais le 13 octobre 1852, le conseil municipal fait allégeance à Napoléon III.

Conseil municipal du 13 octobre 1852

Quarante-sixième lettre de Marcelino, écrite de la Condamine Chatelard, dans les Basses-Alpes, où il travaille à la 11ème CTE.

La Condamine Chatelard, 26 novembre 1939

Dans votre lettre du 20, j’ai lu que vous êtes en parfaite santé et bien orientés dans l’affaire concernant notre union. Vous ne me le confirmez pas, mais je crois avoir compris que Sebastian est en train de travailler en ayant la carte officielle de travail. Benigna tu me racontes la maladie de Madame Teresa. J’espère qu’elle n’a rien de grave et qu’elle se remettra rapidement. Dis-lui de ma part ce que tu voudras puisque je n’ai pas le plaisir de la connaître. Évidemment, je la remercie pour tout ce qu’elle a fait, pour toi ; Je pense à elle avec tendresse mais, pour si sincère que je sois, il est vrai ce qu’on dit : « loin des yeux, loin du cœur ». Tu me dis qu’on vous laisse sortir du « Refugio », mais aussi que quelques familles en ont profité pour s’enfuir au risque et péril de se faire emprisonner. Tu précises que si elles l’on fait c’est pour ne pas devenir folles de douleur. On a raison de dire que si la folie était une douleur, dans chaque maison il y aurait des cris. Leur geste équivaut au désespoir de celui qui attache une corde pour se pendre. Ne se conduit ainsi que celui qui a perdu la raison, celui dont la tête est en bois avec un creux où qui ne contient plus que dix grains de raisin. Ce sont des personnes qui n’ont pas la suffisante capacité pour comprendre que nous sommes dans le pays qui nous a accueilli. La France ne nous a pas appelés. Jour après jour nous devons nous remémorer que nous avons perdu la guerre, même si cela nous fait de la peine. Par conséquent, nous devons avoir la patience qu’il faut pour laisser passer le temps, puisque toute chose a besoin de lui pour mûrir. L’essentiel est de soigner sa santé afin de pouvoir jouir en famille de notre bonheur, et cela durant les nombreuses ou peu d’années qui nous restent à vivre. Ceux qui se risquent en se compromettant comme ces désespérés, et comme ceux qui ne savent que se plaindre et pleurer, augmentant ainsi leur désespoir, et se convertissent en vieux machins insensibles à la joie qui nous attend demain. Il faut avoir la tête en bois pour ignorer que, pour n’avoir pas voulu résister dans le « Refugio », on les emportera à un autre camp de concentration, dans lequel leurs fils souffriront beaucoup plus.
En raison de ce qui se passe, dans cette lettre, tout comme dans beaucoup d’autres, je te répète que, toi, tu ne le fasses pas. Qui cherche le danger, cherche la mort. Toi, dans l’adversité conserve la raison. Sois optimiste en pensant que le bon arrivera. Tu n’auras rien à me reprocher, puisque j’ai la conscience tranquille. Tu sais très bien que si j’ai accepté de sortir du camp de concentration d’Argelès sur mer pour venir travailler ici, dans les Alpes, c’était avec l’intention d’améliorer notre situation et au plus vite nous réunir. J’ai toujours agi en sorte à ne nuire à personne afin de mériter d’être à côté de vous. Donc au vu que ce que je pense, cela ne tardera pas à se réaliser. Ton devoir est de ne pas imiter ces gens qui se jettent dans un précipice. Tâches, si ce n’est pas ce mois-ci, le prochain de trouver ce que tu cherches. Ne soit pas attirée par ceux qui s’en vont du « Refugio » pour aller n’importe où.
Je pressentais ce que tu dis du patron de Maria. Etant agriculteur, je sais que dans le Alpes il n’y a pas de travail hormis l’élevage du bétail, et cela d’autant plus que nous sommes en hiver. Ici il n’y a pas d’oliviers, donc, à cette époque je ne vous suis d’aucune aide. Je me trouve avec les mains liées. Sebastian est le seul à avoir un salaire, et seulement Valero et Juana peuvent t’aider. Je suis convaincu que si Sebastian te réclame, tu pourras aller dans le village où il se trouve, et vivre dans une location, enfin indépendante jusqu’à que je sorte du camp et vienne vous aider. Peut-être que je rêve puisque vous devez demander la permission aux autorités. Parfois je me dis : « mais pourquoi ces gens ne nous donnent pas un brin de liberté ? ». Cela dit, nous devons tous les deux retenir l’occasion qui se présentera et réfléchir à ce que nous devons entreprendre avec calme et entendement. Tant que Sebastian sera seul à gagner des sous, il ne nous sera pas possible de supporter le prix d’un loyer et de vivre indépendants, car la vie est très chère et dans notre monde on ne peut rien faire sans argent. Même les riches se plaignent, et cela bien que ceux qui sont nantis ne sont pas pauvres, même s’ils désirent plus.
Je te félicite pour la bonne idée que tu as en ce qui concerne les livres pour donner des leçons aux gosses. Je crois que tu pourras demander qu’on t’envoie un livre d’étude primaire pour les petits et un livre d’arithmétique pour les grands. Ne me demande rien d’autre pour le moment, en dehors de l’arithmétique pour étudier le calcul. En attendant, le reste peut se faire en écrivant, en lisant ce qui a été écrit et en s’échangeant des demandes et des réponses, car c’est de cette façon qu’on apprend le plus.
Tu diras à Sebastian qu’il m’envoie de façon bien claire l’adresse de son patron afin que je lui écrive directement.
Mon compagnon, celui de la province de Huesca, en me voyant écrire, me dicte la sentence qui suit :
« Dans ce monde, cela fait beaucoup d’années qu’on sait que la plus courageuse est l’ignorance, parce que l’ignorance fait faire des choses qui, sans elle, ne seraient jamais dites ni faites ».
Cette sentence arrive à point pour résumer ce qui a été dit à propos des personnes qui s’enfuient du « Refugio ». Notre philosophe me dicte cette autre :
« Tout comme le pire de l’été ce sont les mouches, le pire de notre société sont l’envie et l’égoïsme. L’une et l’autre sont filles de l’ignorance ».

Marcelino Sanz Matéo

1792 : Gaubert Jean-Pierre (Officier public)
1793 à 1794 : Chauvin Pierre (Officier public)
An 2 : Chauvin Pierre (Officier public)
An 9 : Gaubert Jean-Pierre (Officier public)
An 10 à an 12 : Gaubert Jean-Baptiste (Maire)
An 13 : Gaubert Honoré (Maire)
1804 : Chauvin (Officier public)
1809 à 1818 : Gaubert Jean-Baptiste (Maire)
1819 à 1833 : Porte Jean-Pierre (Maire)
1834 à 1848 : Amayenc Joseph (Maire)
1848 à 1852 : Bontoux Jean-Benoît (Maire)
1852 à 1870 : Rambaud Ferdinand-François (Maire)
1870 : Montezin François (Président temporaire)
1870 à 1888 : Joselet Jean-Baptiste (Maire)
1888 à 1896 : Gaubert Jacques-Prosper (Maire)
1896 à 1899 : Rambaud Achille-Ferdinand (Maire)
1900 à 1906 : Gaubert François-Etienne (Maire)
1907 à 1925: Joselet Eduard (Maire)
De 1925 au 15 novembre 1938 : Gaubert Gabriel (Maire, « démission »)
16 novembre 1938 au 20 novembre 1938 : (Adjoint à titre provisoire)
Du 15 novembre 1938 au 9 juin 1944 : Willis Guillaume (Maire, « fusillé »)
Du 3 juillet 1944 au 2 novembre 1947 : Gaubert Romain (Maire à titre provisoire)
Du 2 novembre 1947 au 29 janvier 1949 : Joselet Emile (Maire non élu)
Du 29 janvier 1949 au 8 mars 1959 : Gaubert Gabriel (Maire)
Du 8 mars 1959 au 21 mars 1965 : Cayzac Moise (Maire)
Du 21 mars 1965 au 17 mars 1983 : Le Gouic André (Maire)
Du 18 mars 1983 au 20 janvier 1992 : Bocognano Dominique (Maire)
Du 21 janvier 1992 au 1er janvier 1993 : Selle Jean-Charles (Maire)
Du 2 janvier 1993 au 18 février 2005 : Joselet Jean (Maire)
Du 19 février 2005 au … Déorsola Jean-Paul (Maire)

Photo des Républicains Espagnols du Maquis de la montagne de Lure.

Certains de ces maquisards présent sur cette photo furent fait prisonniers par le nazis et déportés au camp d’extermination de Mathausen en Autriche. D’autres furent renvoyés en Espagne pour finir dans les geôles Franquistes.

Document: Rafael Alegre.

Quelques noms de la photo: El Manico, M Manchon, Pedro Prat, Mario Régent, M Beneyeto, Pedro Caval, Luis Carranza, Lopez et José Alegre (souriant à droite)