Soixante-neuvième lettre de Marcelino, écrite de Novéant sur Moselle, dans le département de la Moselle, où il travaille à la 11 CTE.
Novéant sur Moselle*, 16 mai 1940
En lisant votre lettre du 11, je me réjouis et je vous remercie doublement pour m’avoir envoyé vos félicitations le jour de mon anniversaire, et toi, en particulier, pour m’avoir rappelé l’anniversaire de notre mariage. Dans la tragédie que nous vivons, nombreux sont les dangers que nous avons traversés, chacun se son côté. Mais puisqu’aujourd’hui nous pouvons échanger ces souvenirs mémorables, ne soyons pas tristes. Pour l’instant, l’essentiel est que nous ayons le bonheur, tant de nos enfants que de nous-même, de nous conserver en bonne santé pour continuer à vivre avec patience, et avec l’espérance, qui, elle est notre consolation. Nous attendons les mois et même l’année à venir pour voir la fin de notre calvaire, et de nouveau entreprendre normalement notre vie, en étant heureux comme nous le fûmes, cela fait peu. Comparés aux jours que nous vécûmes en collectivité à Villafranca del Penedes, avant notre exode, ceux-là semblent à que nous conte Don Quichotte**:
« Tiempos llamados dorados porque, entonces, se ignoraba el oro y las palabras tuyo y moi. La tierra madre ofrecio el agua de sus fuentes para beber, las plantas y los frutos para comer. Entonces todos era paz y concordia. No se necesitaban ni guardias ni jueces porque todos respectan lo justo y honesto ».
« Les temps appelés dorés, parce qu’alors ont ignorait l’or et les paroles. La terre nourricière offrait l’eau pour boire, les plantes et les fruits pour manger, alors tout était paix et concorde. Aucun gardien ni juge n’était nécessaire car tout le monde était juste et honnête ».
Benigna, comme tu le vois en tête de cette lettre, nous avons changé de ville. Nous ne savons pas encore quel sera notre travail. Sitôt que nous serons à demeure je te mettrai au courant de tout. Dans ma prochaine lettre j’aurai des sujets pour t’écrire plus longuement.
Transmets de ma part les félicitations à Madame « Engracia ». Je comprends la joie qu’elle à eue en voyant son fils venir à la maison avec une permission. Qu’est ce qu’une mère peut désirer de plus cher ?
En ce qui concerne notre situation, tu me dis que vous êtes au courant des rumeurs affirmant qu’on a bombardé l’endroit où nous sommes. Tu peux être tranquille pour le moment nous n’avons aucune sorte de danger. Nous n’avons même pas eu une alerte.
Marcelino Sanz Matéo
*/ Novéant sur Moselle est une ville située à quelques km au sud-ouest de Gorze.
**/ Marcelino admirait particulièrement trois personnages : « Jésus-Christ, Pasteur et Don Quichotte ».