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Cinquante-huitième lettre de Marcelino, écrite de Gorze, dans le département de la Moselle, où il travaille à la 11ème CTE.

Gorze, 17 février 1940

J’ai été très chagriné en lisant, dans ta lettre du 9, l’abject traitement que vous avez eu de la part de Monsieur le commissaire et des gendarmes*, lesquels je n’imaginais pas si grossier. Ils le sont, et beaucoup, pour t’avoir fait ce que tu ne mérites pas. Je dis cela avec colère parce que je crois avoir accompli mon devoir, c’est-à-dire participé personnellement aux besoins de la nation. Dès que j’ai mis le pied en France, je me suis senti débiteur envers elle. Jour après jour j’ai remercié ce pays pour nous avoir permis de nous réfugier, à nous et à nos fils. Comme je le pensais et désirais comme je viens de le dire, sitôt que le gouvernement français fit appel à la volonté des travailleurs espagnols, je crus que mon devoir était de répondre présent afin de payer en retour la nation qui nous donna asile. Et ainsi je le fis. Par conséquent, à la fin d’avril 1939, je m’enrôlai à la 11
ème compagnie, sous le commandement du Ministère de l’intérieur. Ladite compagnie partit le 28 du même mois et aujourd’hui, je me trouve ici, dans la Moselle, fier d’être bien noté par le capitaine de la compagnie. En plus, quatre de mes fils aident les viticulteurs à la récolte du raisin, et auraient fait d’avantage si on le leur avait demandé. Cela dit, je ne comprends pas, et je suis peiné qu’on t’ait traitée si injustement. Les méchants ont toujours aimé se moquer des malheureux qui tirent le diable par la queue. A ces êtres si grossiers et si mal élevés, j’adresse ce dicton : « Celui qui fait le bien mérite, même tard d’être récompensé ».
Ne connaissant pas leurs adresses, voici jointes à ma lettre, deux autres, l’une destinée à Madame « Engracia » et l’autre au patron de Sebastian. C’est tout. Nous nous expliquerons plus amplement dans notre prochain courrier. Dans ma prochaine lettre je t’enverrai la lettre destinée à la patronne de Maria.

Marcelino Sanz Matéo

*/ Les réfugiés étaient sévèrement contrôlés par les gendarmes et le commissaire responsable du « Refugio ». Ils n’acceptaient aucunes protestations. A la moindre plainte ils répondaient par l’expulsion en Espagne.

Obligée de quitter le « Refugio » sans argent et sans pouvoir trouver un logement dans le village Benigna demanda de l’aide aux responsables. Lesquels lui répondirent que si elle n’était pas contente, elle n’avait qu’à retourner dans son pays.

Cinquante-septième lettre de Marcelino, écrite de Gorze, dans le département de la Moselle, où il travaille à la 11ème CTE.

Gorze, 31 janvier 1940

Je réponds à la votre du 29. En elle je vois que vous avez la santé et vous vous entêtés pour venir à bout des démarches relatives à notre union. Je sais qu’elles sont entre de bonnes mains. Vous me réjouissez également en m’annonçant la bonne nouvelle concernant Maria*. Benigna, d’après ce que tu m’écris, je pense qu’elle a eu de la chance en trouvant un emploi, et cela d’autant plus en sachant que, quoique n’y travaillant que depuis quelques jours tout le monde est content : elle, sa patronne et vous. Moi aussi je le suis parce que son travail ne peut pas être aussi dur que celui des champs. Il vient de s’accomplir ce que je désire tant : que chacun de vous avance en améliorant sa vie. Avec plus de temps nous arriverons à ce que j’aspire depuis toujours : obtenir le bien-être en gagnant suffisamment pour vivre comme la nature l’exige. Mes conseils seront inutiles si nous ne luttons pour maintenir la santé et la patience indispensables afin de pouvoir jouir heureux en famille des jours que nous réserve le destin. Moi je suis toujours le même, donc, vous connaissez ma forme de penser et savez ce que j’ai toujours dit : le temps mûrit tout.
Tant que nous aurons la santé, nous pouvons nous considérer heureux. L’argent s’obtient seulement de trois façons : en héritant, en le volant ou à la force du poignet. Nous, nous avons droit à la troisième solution, puisque nous avons tout perdu, tout sauf l’honnêteté.
Juan vient chaque jour au campement avec le ravitaillement. Aujourd’hui-même nous sommes restés ensemble un long moment. Lui aussi m’a raconté ce qui est arrivé à Maria, chose qui nous a amusés, puisqu’elle narre qu’elle est dégoutée des gâteaux ; qu’elle a mal à l’estomac rien qu’en les voyant où qu’elle aille dans la pâtisserie. L’exception confirme la règle. Jamais Maria n’aurait cru que le jour où nous manquerions de pain elle se rassasierait de gâteaux. La preuve que dans la vie tout peut arriver. Voilà pourquoi quand on se trouve mal, on ne doit pas désepérer car, quoique la vie soit courte, elle est assez longue pour que nous soyons, un jour ou l’autre heureux. Celui qui se désespère au point de perdre l’esprit perd l’occasion de profiter du bonheur futur.
C’est comme une loi : on doit supporter la souffrance, quand celle-ci se présente, afin de vivre avec plus de désir ardent les jours heureux. A quoi nous servirait la bonne vie si nous n’avions plus la force de vivre ? Quel est l’avantage d’avoir ce qu’on n’a pas pu avoir, ou qu’on a refusé d’avoir.
A propos du froid qu’il fait ici, eh bien, ne vous chagrinez pas car nous le combattons en ayant le dessus. Nous avons une bonne baraque avec un bon poêle en son centre. Nous sommes 17 dans chacune d’elles. Nous dormons sur des lits en bois et des matelas en paille. La nourriture est acceptable. Le travail est peu important et nous avons beaucoup de tranquillité. J’ai du temps de reste pour laver et raccommoder les vêtements et repriser les chaussettes et les gants. Je suis devenu un repriseur de première catégorie.

Marcelino Sanz Mateo

*/ Par l’intermédiaire de « Ramon », le fils de Madame « Engracia », Maria fut embauchée comme aide dans la pâtisserie où il était chef pâtissier.

Nous avons sur une des façade de maison du village de Mallefougasse, une pierre romaine dont nous ne comprenons pas toutes les inscriptions. A la demande de Anne et Daniel Meslé, membre de notre association, archéologues et membres de la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles) se sont rendus sur place pour en effectuer le relevé et nous communiquer dans quelques semaines le résultat de leurs recherches. En plus des spécialistes, d’Anne et Daniel Meslé et moi même, étaient présents Jean-Paul Déorsola le Maire de Mallefougasse accompagné de Dominique Arcidiacono son adjoint.

On en prend les mesures.
on essaye d’en comprendre le texte sous divers angles d’éclairage.
et c’est sous la pluie que sont effectués les relevés.

La matinée c’est poursuivie par une visite des différents lieux caractéristiques de village. Vers midi nous nous sommes retrouvés à l’invitation d’Anne et Daniel Meslé autour d’une bonne table.

L’après-midi c’est sous une pluie fine que nous sommes allés sur la motte castrale de le commune.

Cinquante-sixième lettre de Marcelino, écrite de Gorze dans le département de la Moselle, où il travaille à la 11ème CTE.

Gorze, 27 janvier 1940

Benigna, tu me dis qu’on t’a parlé d’un contrat pour aller dans une ferme où nous pourrons être ensemble. A toi de voir ce qu’on peut faire de mieux. Si en travaillant nous gagnons les francs indispensables pour assurer les besoins matériels de nous tous, on accepte sans hésiter entre le pour et le contre, et cela même en sachant qu’au début nous serons dans le pétrin. Ce qui compte c’est de nous unir et de pouvoir vivre librement ensemble. Il est temps que tu quittes le « Refugio ».
Dis-moi si ledit contrat consiste à ce que nous soyons métayers ou ouvrier dans une ferme. Si c’est pour être métayer, demande si la ferme dont il est question est habitable, si elle est meublée, ou si son mauvais état a besoin de beaucoup de réparations. Tout compte fait, ce que toi tu feras sera bien fait.
Bien, tu dois admettre que nous ne pourrons pas être la famille au complet parce que Maria dépend de son mari et Sébastian est obligé d’accomplir son contrat. Tiens-moi au courant. Moi je n’ai pas confiance dans ces gens dépréciables, qui nous promettent beaucoup pour mieux nous embrouiller.
Cher fils Valero. Ta lettre m’a fait plaisir parce que je vois que tu as le goût pour les études et rêve d’avoir une encyclopédie. Les opérations de calcul que tu m’envoies sont correctes. Je t’en enverrai de nouvelles pour que tu trouves leur solution en multipliant et en divisant. L’essentiel est que tu ne perdes pas l’envie d’étudier, car tes connaissances te serviront plus tard.
Chère fille Juana. Tu me demandes si j’ai besoin d’une paire de gants. Je te remercie de tout cœur pour ton amour et ta bonne intention mais je n’en ai pas besoin, vu qu’on nous a donné une paire suffisamment bonne pour combattre le froid.
Cher fils Anastasio. Tu me promets un autre dessin, encore plus beau que le précédent. Bien, je l’attends avec impatience et te félicite d’être si appliqué.
Chers Lauro et Alicia. Je suis vraiment désolé que les Rois* ne vous aient rien apporté. Néanmoins vous me comblez de bonheur en me disant que lorsque nous serons ensemble vous aurez tout, même les jouets comme ceux qu’ont les enfants français. Vos paroles et la confiance que vous avez sont un cadeau pour moi. Jusqu’au jour où se réaliseront vos rêves, moi je puis seulement vous envoyer des baisers par courrier. Avec eux j’ai rempli cette enveloppe. Ayez confiance, mes fils. Pour le moment continuez en utilisant, comme vous le faites, le jouet le plus merveilleux que nous a donné la nature : le cerveau.
Il est primordial que vous ne vous ennuyiez pas.

Marcelino Sanz Mateo

*/ en Espagne : La fête des Rois est plus importante que Noël, c’est eux qui apportent les cadeaux aux enfants.

Cinquante-cinquième lettre de Marcelino, écrite de Gorze, dans le département de la Moselle, où il travaille à la 11ème CTE.

Gorze, 20 janvier 1940

Cette lettre répond à la vôtre du 16, laquelle m’a réjoui en voyant que vous êtes en bonne santé et que vous avez repris courage. Je ne comprends pas pourquoi tu t’affliges en sachant que je dois laver mon linge et que je vois moins souvent Juan. Arrête de ne voir que les inconvénients ! Tu sais bien que personne ne lavera mon linge à ma place. Et, comme il y a tant de compagnies, Juan a beaucoup plus de travail. Crois-moi, tu n’as pas à t’en faire pour moi.
Le plus grand et le plus difficile problème à résoudre est celui de votre situation et cela parce que vous êtes plus faibles physiquement. Votre affaire résolue, tout deviendra parfait parce que je me débrouillerai toujours d’une façon ou d’une autre, et cela d’autant plus lorsque je me sentirai tranquille.
Je sais que pour vous ça ne peut pas être aussi facile, et encore moins si le rhumatisme te reprend. Si tu deviens impotente, alors oui, ce sera du sérieux. Je crois que si le rhumatisme te gène, c’est la faute à votre literie misérable et, par conséquent, pour le peu de literie que vous avez afin de vous couvrir. Fais le possible pour acheter une ou deux brassées de paille. Tu verras que si tu as suffisamment de paille, tu auras moins froid parce que tu pourras mieux envelopper les pieds qui sont la partie du corps qui souffre le plus en hiver. Surtout fais tout ce qui est à ta portée pour te préserver du froid et pour pouvoir résister jusqu’au printemps. Le soleil soulage beaucoup les misères. Pour remplacer le manque de couvertures, tache d’avoir de la paille en abondance. Ainsi, sans rendre malade ta bourse qui est très faible, tu guériras ton corps.
Tu me réjouis en me disant que Sebastian est venu vous voir. Au moins tu as tous tes fils à côté de toi, chose que toutes les mères ne peuvent pas dire. En plus, ça nous tranquillise de savoir qu’il a eu de la chance d’être tombé dans cette bonne maison. Il travaille beaucoup mais en vivant bien. Il n’y a pas de pays de cocagne. Je veux écrire à ses patrons afin de les remercier pour le bien qu’ils le traitent. Tu me dis que je demande avec insistance un emploi d’agriculteur, puisque « qui ne demande rien n’a rien ». Eh bien, jusqu’en mars il est inutile d’essayer car cette région est très froide comme doit l’être toute le France vu que tu me dis qu’où vous êtes il gèle beaucoup et que la pluie perdure bien des jours et des nuits « Aux chevaux maigres vont les mouches ». Soit ! Mais il n’existe rien qui n’ait une fin.
Alors armez-vous de patience et de courage.

Marcelino Sanz Mateo

Cinquante-quatrième lettre de Marcelino, écrite de Gorze, dans le département de la Moselle, où il travaille à la 11ème CTE.

Gorze, 19 janvier 1940

Je commence ma lettre en manifestant la joie que j’au eue en lisant que dans la votre vous êtes en bonne santé.
Malheureusement j’y lis aussi le découragement et l’amertume contenus dans beaucoup de tes lettres. Avec le désespoir tu n’arriveras qu’à perdre la santé. Il faut te résigner davantage pour pouvoir t’adapter aux circonstances présentes. Comme tant d’autres fois, je te conseille à nouveau, mais je vois qu’il m’est difficile de te fourrer dans la tête que nous le voulions ou pas nous sommes obligés par force à passer ce mauvais chemin. Moi je veux que tu reprennes le dessus. Voyons si en donnant plus de temps au temps nous pouvons améliorer notre situation. Si nous désespérons et perdons la santé, nous n’aurons pas le temps d’être un jour heureux comme nous le méritons en disant amèrement : « c’est fini !».
Tu t‘es mis, plus qu’on t’a mis dans la tête que si on nous a transporté si loin pour être si prés du front, c’est pour construire des fortifications et creuser des tranchées, ce qui t’effraye beaucoup.
Ce n’est pas vrai ! Nous ne faisons pas cela et nous ne le ferons pas. Ici nous élevons de grandes baraques, et dans les Alpes nous arrangions des routes. De sorte que tu ne dois pas avoir de crainte. Tu peux être rassurée en ce qui concerne notre sécurité.
Le principal est de trouver une solution à votre situation, chose qui me préoccupe. Quoique je ne crois pas qu’ils le feront, je crains quand-même qu’on vous fasse sortir du « Refugio » et qu’ils vous mettent dans un camp où vous dormirez sur le sable. Afin d’effacer l’invraisemblable de la pensée, j’ai la volonté et la sagesse de voir le bon côté de chaque situation. En dehors de la mort, il n’y a pas de fait, si mauvais soit-il, qui te permette de la supporter et de la vaincre.
Je tiens à te proposer une chose. Il se peut qu’en ce moment vous ne puissiez pas la faire, mais vous devez vous accrocher à elle, parce que, même si cela demande du temps, elle est l’unique façon de vous sortir du désespoir qui vous consume. Donc si vous le pouvez, œuvrez de cette façon : Premièrement, que Maria sorte pour travailler et, une fois placée, qu’elle fasse tout ce qu’elle pourra pour faire embaucher Juana à ses côtés, celle-ci étant capable d’accomplir quelques menus travaux. Le principal dans cette affaire est d’oser commencer.
Deuxièmement que Valero sorte pour aller travailler avec Sebastian, même gratuitement. En travaillant tous les quatre, n’importe quel patron des enfants peut te réclamer, non pas de vivre chez eux, chose que tu ne pourras pas obtenir, et c’est logique, mais pour te faire sortir du « Refugio ».
Libre d’agir à ta guise, tu pourras chercher jusqu’à trouver ne serait-ce qu’une chambre pour toi et les petits. Cela fait, je crois qu’avec l’aide de tous vous pourrez mieux vivre, tous les quatre. Tout compte fait, pour obtenir une réclamation qui te sorte du « Refugio », il est nécessaire d’attendre jusqu’à ce que les quatre grands travaillent. Depuis mon isolement, je ne vois pas une autre solution.
Je suppose que la demande que fit Maria ne lui arrivera pas approuvée, vu qu’elle lui sera inutile. Heureusement qu’elle ne l’a pas reçu dernièrement, car nous aurons une peine en plus sachant qu’elle se présenterait dans les Alpes alors que vous voyagions en direction de la Moselle. Oui ! heureusement que vous êtes tous ensemble et que vous consolez mutuellement. Maintenant œuvrons pour obtenir des choses meilleures. Nous sommes condamnés à vivre pour voir comment nous pourrons améliorer notre vie, à nous.
Mon cher fils Valero. Tu me dis que ton désir est d’aller travailler avec Sebastian afin de contribuer à l’aide de ta mère et de tes frères. Félicitations pour la volonté que tu as. Tâche d’être un homme à cent pour cent, obéissant à tes supérieurs. Ce dont je vous prie à tous, est que vous ne vous battiez pas entre frères. Moi, j’ai toujours rêvé d’aller vivre dans une capitale afin que vous puissiez étudier dans quelque collège. Pour le moment, vous devez apprendre par vous-mêmes, regardant, écoutant et imitant les gens honnêtes.
Alors Valero te voilà au courant. Voyons si le couplet qui suit dit vrai :

Anda y vete por el mundo Marche et parcours le monde
que el mundo te ensenara car le monde t’apprendra à vivre
y si vives desordenado si tu vis dans le désordre
el mundo te ordonarà le monde te corrigera

Cher fils Anastasio. Dans ton dernier dessin, le plus important de tous ceux que tu m’as envoyé, je vois que tu as des aptitudes pour le dessin, aptitudes que, si tu t’y appliques, pourraient te servir beaucoup demain. Tu ne peux pas te figurer la satisfaction que m’a causée ton œuvre, vu que tu es encore très jeune. Je t’assure que, pour l’âge que tu as, ton dessin est très bien fait. Ne perds pas, ni l’illusion ni la confiance. Le jour viendra où nous nous unirons et pourrons te donner l’enseignement qui te correspond. En attendant continue à te perfectionner en demandant des conseils, car « à bon vin, point d’enseigne ».
Chères filles Laura et Alicia. A la place d’un conseil, la seule chose que je peux vous donner et ne vous donne pas, vu que vous êtes encore dans l’innocence. C’est un baiser que vous vous je réserve pour le jour où je pourrai vous le donner, joue contre joue.
Rien de plus. Beaucoup de souvenirs pour Mesdames « Engracia et Teresa ». À Madame « Teresa » dis-lui de ma part que je souhaite qu’elle aille mieux et qu’elle retrouve ce qui est notre trésor : la santé.
Quant à toi, conserve la sérénité et le sang-froid jusqu’à l’arrivée du jour où nous pourrons jouir tous deux, entourés de nos enfants, les seuls êtres sur terre qui sont dignes de notre confiance. Moi, je n’ai plus confiance dans tous les autres.

Marcelino Sanz Mateo

Les mercredi 8 et jeudi 9 janvier, nous avons passés deux journées à trier deux caisses bien encombrées de documents fort intéressants. Le détail suivra.

Merci à Camille la Maire de Montlaux pour le prêt de la salle des fêtes, ou nous avons put nous étaler tous ces documents.

Mais aussi à Anne, Daniel et Hector pour leur disponibilité.

travail studieux.

Cinquante-troisième lettre de Marcelino, écrite de Gorze dans le département de la Moselle, où il travaille à la 11ème CTE.

Gorze, 8 janvier 1940

Chers épouse et enfants je souhaite que vous soyez tous en bonne santé. Moi je le suis pour le moment. La présente lettre confirme notre arrivée au nouveau camp, et je vous donne notre adresse :

« Marcelino Sanz Mateo : 11ème compagnie de travailleurs espagnols Gorze (Moselle) »

Notre voyage s’est bien déroulé. Nous sommes passés par Lyon et Dijon, qui d’après ce que nous avons vu, sont deux villes importantes.
Cette région est plus chaude que celle des Alpes. Il y a peu de neige. Notre travail consiste à construire un campement de mille baraques. Nous tous pensons que notre séjour ici ne durera pas, puisque nous sommes un rassemblement de plusieurs compagnies de travailleurs espagnols. Ledit voyage a duré un jour et demi, avec deux nuits dans le train. Il a été long, mais nous l’avons bien vécu. En arrivant, la première nuit Juan et moi nous avons dormi ensemble. Après il est parti avec les autres chauffeurs à Gorze un village situé à 2 kilomètres du campement. Tous les jours il vient nous ravitailler, ce qui nous donne l’occasion de nous voir. Ce département s’appelle Moselle. Nous nous trouvons à 200 kilomètres du front.
Lorsque tu m’écriras, n’oublie pas de me dire si tu as reçu les deux colis et s’ils sont arrivés avec tout ce qu’ils contenaient au départ. Nous, nous ne pouvons pas vous envoyer de l’argent, car nous gagnons très peu, mais nous tâcherons de vous envoyer tout ce que nous pourrons, tout comme aujourd’hui, nous l’avons fait pour vous aider à vivre. En attendant que notre situation s’arrange, ce qui nous manque la plus est de connaître des gens de confiance parce que ce que ne peut l’un, l’autre le peut. J’ai toujours entendu dire qu’on doit avoir des amis, même en enfer. En changeant si souvent, nous ne pouvons prendre racine nulle part. A l’instar des pèlerins : nous avons beaucoup d’auberges et peu d’amitiés.
Je suis plus que satisfait de ce que tu me dis de Sebastian. Je vois qu’il a la volonté et l’intelligence de comprendre en bon fils qu’il est, et qu’il doit se dévouer pour vous.
Donne de ma part des remerciements à Madame « Teresa » pour toute l’aide qu’elle vous apporte, et dis-lui que le jour où nous le pourrons nous la récompenserons au triple.

Marcelino Sanz Mateo